Il neige
aujourd’hui et c’est beau comme le pelage d’un tigre blanc du Bengale. L’ennui,
c’est que toutes les écoles de Londres ferment et qu’ils nous renvoient nos
gamins plus tôt que d’habitude, qui est en soi toujours trop tôt. Du coup les
toits enneigés vu du bureau, c’est de l’histoire ancienne. Je dis juste au
passage, à Messieurs, Mesdames du ministère de l’éducation anglaise, que je
n’aimerais pas les voir en Sibérie, hein ? Trois flocons de neige et on
ferme la boutique ? Vous pouvez pas faire un gros goûter, des batailles de boules et bonhommes de
neige ? Non, c’est bibi qui va s’y coller, la carotte et les bâtons, c’est
moi qui vais les chercher dans le froid, avec la goutte au nez et ma
conjonctivite.
Le malheur frappe
toujours deux fois au 128 (chez moi). En plus d’avoir aujourd’hui mes trois
enfants in the house, j’ai les yeux
mi clos et des larmes aqueuses qui collent mes paupières. Ce matin en me
réveillant, je ne pouvais pas les ouvrir. Comme ça ne m’était jamais arrivé, je
pensais rêver que je me noyais dans des fonds marins très profonds. A tâtons,
j’ai nagé jusqu'à la salle de bains et
à travers mes cils collés, j’ai découvert un œil au beurre noir et
l’autre complètement rouge comme si j’avais fumé des pétards par les yeux ou
que j’avais la myxomatose.
C’est même pas la
peine de penser à la séance maquillage, coiffage, gommage, ce sera Droopy pour
toute la journée. Je vais rester en jogging alors. J’ai pourtant emmené Rosie à
l’école, comme ça, avec mes cocards et ma mine défaite. C’était une première.
Je fais un vœu. Comme il a neigé, j’ai un peu misé sur l’effet brouillard. Les
gens étant pressés, il faisait froid, la neige mélangée au blizzard qui saisit
les jambes, personne n’a vraiment eu le temps, de se dire bonjour. Ça m’arrange. Vive la neige finalement. J’ai une
réputation ici, je suis la Française classe alors c’est pas une conjonctivite
qui va me foutre en l’air des années de travail. Une seule mère m’a regardé
dans les yeux. Mais je la compte pas, car il y a un précédent avec elle. Je
l’ai regardé en retour, en pensant « J’avais pas le choix. T’aurais fait
quoi, toi, à ma place, Madame Vuitton (à cause de son sac) ? ».
J’espère qu’elle a bien compris le message.
Aujourd’hui, c’est
noir donc. Sous mes yeux et dans les siens. La seule fois, où il y a eu un
rapprochement sociale, c’est quand elle s’occupait du stand pour la fête de la nourriture du monde à la crèche de ma
fille, il y a de ça, deux ans. Nous étions six mamans et nous devions faire des
plats typiques de notre pays. Je me suis portée volontaire. C’était une erreur.
J’avais pensé à des macarons d’abord, ça me faisait envie, puis j’ai pensé à
les acheter et finalement j’ai fais autrement : un gâteau au yaourt. Les
enfants adorent. Un peu cheftaine sur les bords, cette maman Vuitton nous
expliquait tout comme si on était des demeurés. Ou bien, comme on était toutes
étrangères, elle croyait qu’il fallait nous parler fort et lentement. J’avais
pas voté pour que ce soit elle la commandante, je la trouvais un peu hystérique.
Elle prenait son
nouveau job très à cœur, il n’y avait pas de place du tout pour l’humour dans
ses briefings. Forcément, si on rigole pas un peu, moi au bout de cinq minutes,
désolée mais, je décroche. Je fais ça souvent quand je m’ennuie. C’est pour me protéger
des êtres humains, des ondes négatives, de l’ennui. Pour que surtout, ça ne
m’atteigne pas. Je pars dans un monde imaginaire où les gens sont gentils et où
il y a des bons gâteaux. Mais je souriais toujours, je suis partie sans partir.
Seule mon esprit était absent. Je me disais qu’après tout, il fallait juste
arranger les tables joliment avec
les plats internationales que tout le monde avaient préparés depuis leur
cuisine londonienne, une chaise pour tout le monde, et allez, Bob’s your uncle, comme ils disent ici.
Bref, je divaguais un peu, mais mes chaussures étaient trop serrées alors je me
suis baissée pour refaire mes lacets. Plus souples cette fois. Oui, c’était
mieux, oh ça faisait du bien. Y’avait pas besoin de le signaler, ni de demander
la permission à Madame Vuitton. Pourtant en me relevant, j’ai senti un léger
malaise. Je ne m’y suis pas attardée non plus, je suis habituée aux malaises
sociaux, rapports à la langue et tous ces gens venus des quatre coins du monde,
je ne reconnais plus automatiquement les signes. Bref, la journée a continué
normalement, j’ai vendu toutes les quiches lorraine que je n’avais pas faites.
Assise sur ma chaise en toile avec des miettes sur mon pull (j’aime
pas les quiches lorraines, mais j’ai adoré les dumplings et sushis du
stand japonais) (je me suis fait une copine : Akiko).
La vie a suivi son
cours jusqu'à ce qu’arrive la gazette locale dans ma boite aux lettres,
quelques mois après cet évènement culinaire. Je l’ai parcouru car il y a toujours une photo de quelqu’un
que je connais, parfois mes enfants, puisque ça concerne ma communauté. Et puis
les cancans locaux. Alors, j’ai vu un article sur cette journée de cuisine
internationale. Accompagnée d’une photo (z’ont pris une photo ?) des
supères mamans qui ont participé fièrement et ont sué sang et eau pour vendre
des quiches afin de récolter des fonds pour la crèche de ma fille. Un, deux,
trois…quatre, Madame Vuitton…et c’est tout. Je n’y suis pas. Je ne suis pas sur
la photo. Ah bon ?
Ça va, j’ai
compris. J’ai bien compris même. Fallait écouter et pas faire ces lacets. Des
histoires comme ça, j’en ai des dizaines dans ma vie. Mais de là, à me lancer
des éclairs et pas au chocolat, à chaque fois qu’on se croise, il y a un monde
Madame Vuitton.
Merci a mon fils adoré, Oscar, pour ses belles aquarelles qu'il a faites hier soir.
Merci a mon fils adoré, Oscar, pour ses belles aquarelles qu'il a faites hier soir.
Oscar, c'est magnifique ! Si je fais un blog, c'est toi que je veux aux pinceaux. Marie Me, tu aurais pas une photo de toi avec cette conjonctivite qu'on se rende mieux compte ?
RépondreSupprimeret on sent au "hier soir" qu'il a du se faire rappeler à l'ordre pour les délais de bouclage...!
RépondreSupprimerCher C, tout est rangé dans les dossiers.
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