mardi 22 janvier 2013

Londres sous la neige


Il neige aujourd’hui et c’est beau comme le pelage d’un tigre blanc du Bengale. L’ennui, c’est que toutes les écoles de Londres ferment et qu’ils nous renvoient nos gamins plus tôt que d’habitude, qui est en soi toujours trop tôt. Du coup les toits enneigés vu du bureau, c’est de l’histoire ancienne. Je dis juste au passage, à Messieurs, Mesdames du ministère de l’éducation anglaise, que je n’aimerais pas les voir en Sibérie, hein ? Trois flocons de neige et on ferme la boutique ? Vous pouvez pas faire un gros goûter,  des batailles de boules et bonhommes de neige ? Non, c’est bibi qui va s’y coller, la carotte et les bâtons, c’est moi qui vais les chercher dans le froid, avec la goutte au nez et ma conjonctivite.


Le malheur frappe toujours deux fois au 128 (chez moi). En plus d’avoir aujourd’hui mes trois enfants in the house, j’ai les yeux mi clos et des larmes aqueuses qui collent mes paupières. Ce matin en me réveillant, je ne pouvais pas les ouvrir. Comme ça ne m’était jamais arrivé, je pensais rêver que je me noyais dans des fonds marins très profonds. A tâtons, j’ai nagé jusqu'à la salle de bains et  à travers mes cils collés, j’ai découvert un œil au beurre noir et l’autre complètement rouge comme si j’avais fumé des pétards par les yeux ou que j’avais la myxomatose.

C’est même pas la peine de penser à la séance maquillage, coiffage, gommage, ce sera Droopy pour toute la journée. Je vais rester en jogging alors. J’ai pourtant emmené Rosie à l’école, comme ça, avec mes cocards et ma mine défaite. C’était une première. Je fais un vœu. Comme il a neigé, j’ai un peu misé sur l’effet brouillard. Les gens étant pressés, il faisait froid, la neige mélangée au blizzard qui saisit les jambes, personne n’a vraiment eu le temps, de se dire bonjour. Ça m’arrange.  Vive la neige finalement. J’ai une réputation ici, je suis la Française classe alors c’est pas une conjonctivite qui va me foutre en l’air des années de travail. Une seule mère m’a regardé dans les yeux. Mais je la compte pas, car il y a un précédent avec elle. Je l’ai regardé en retour, en pensant « J’avais pas le choix. T’aurais fait quoi, toi, à ma place, Madame Vuitton (à cause de son sac) ? ». J’espère qu’elle a bien compris le message.
Aujourd’hui, c’est noir donc. Sous mes yeux et dans les siens. La seule fois, où il y a eu un rapprochement sociale, c’est quand elle s’occupait du stand pour la fête de la nourriture du monde à la crèche de ma fille, il y a de ça, deux ans. Nous étions six mamans et nous devions faire des plats typiques de notre pays. Je me suis portée volontaire. C’était une erreur. J’avais pensé à des macarons d’abord, ça me faisait envie, puis j’ai pensé à les acheter et finalement j’ai fais autrement : un gâteau au yaourt. Les enfants adorent. Un peu cheftaine sur les bords, cette maman Vuitton nous expliquait tout comme si on était des demeurés. Ou bien, comme on était toutes étrangères, elle croyait qu’il fallait nous parler fort et lentement. J’avais pas voté pour que ce soit elle la commandante, je la trouvais un peu hystérique.


Elle prenait son nouveau job très à cœur, il n’y avait pas de place du tout pour l’humour dans ses briefings. Forcément, si on rigole pas un peu, moi au bout de cinq minutes, désolée mais, je décroche. Je fais ça souvent quand je m’ennuie. C’est pour me protéger des êtres humains, des ondes négatives, de l’ennui. Pour que surtout, ça ne m’atteigne pas. Je pars dans un monde imaginaire où les gens sont gentils et où il y a des bons gâteaux. Mais je souriais toujours, je suis partie sans partir. Seule mon esprit était absent. Je me disais qu’après tout, il fallait juste arranger les tables joliment  avec les plats internationales que tout le monde avaient préparés depuis leur cuisine londonienne, une chaise pour tout le monde, et allez, Bob’s your uncle, comme ils disent ici. Bref, je divaguais un peu, mais mes chaussures étaient trop serrées alors je me suis baissée pour refaire mes lacets. Plus souples cette fois. Oui, c’était mieux, oh ça faisait du bien. Y’avait pas besoin de le signaler, ni de demander la permission à Madame Vuitton. Pourtant en me relevant, j’ai senti un léger malaise. Je ne m’y suis pas attardée non plus, je suis habituée aux malaises sociaux, rapports à la langue et tous ces gens venus des quatre coins du monde, je ne reconnais plus automatiquement les signes. Bref, la journée a continué normalement, j’ai vendu toutes les quiches lorraine que je n’avais pas faites. Assise sur ma chaise en toile avec des miettes sur mon pull (j’aime pas les quiches lorraines, mais j’ai adoré les dumplings et sushis du stand japonais) (je me suis fait une copine : Akiko).

La vie a suivi son cours jusqu'à ce qu’arrive la gazette locale dans ma boite aux lettres, quelques mois après cet évènement culinaire.  Je l’ai parcouru car il y a toujours une photo de quelqu’un que je connais, parfois mes enfants, puisque ça concerne ma communauté. Et puis les cancans locaux. Alors, j’ai vu un article sur cette journée de cuisine internationale. Accompagnée d’une photo (z’ont pris une photo ?) des supères mamans qui ont participé fièrement et ont sué sang et eau pour vendre des quiches afin de récolter des fonds pour la crèche de ma fille. Un, deux, trois…quatre, Madame Vuitton…et c’est tout. Je n’y suis pas. Je ne suis pas sur la photo. Ah bon ?

Ça va, j’ai compris. J’ai bien compris même. Fallait écouter et pas faire ces lacets. Des histoires comme ça, j’en ai des dizaines dans ma vie. Mais de là, à me lancer des éclairs et pas au chocolat, à chaque fois qu’on se croise, il y a un monde Madame Vuitton.


Merci a mon fils adoré, Oscar, pour ses belles aquarelles qu'il a faites hier soir.






3 commentaires:

  1. Oscar, c'est magnifique ! Si je fais un blog, c'est toi que je veux aux pinceaux. Marie Me, tu aurais pas une photo de toi avec cette conjonctivite qu'on se rende mieux compte ?

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  2. et on sent au "hier soir" qu'il a du se faire rappeler à l'ordre pour les délais de bouclage...!

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  3. Cher C, tout est rangé dans les dossiers.

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